Dans le cerveau et la moelle épinière, les neurones se transmettent des signaux électriques les uns aux autres par l’entremise de composés chimiques spécialisés appelés neurotransmetteurs. Lorsque ce réseau de signalisation fonctionne bien, il y a un bon équilibre entre les composés chimiques qui excitent les neurones et ceux qui les inhibent. L’excitation et l’inhibition sont nécessaires pour que le cerveau fonctionne normalement et envoie des signaux dans l’ensemble du corps afin de générer des mouvements complexes comme la marche.

Un trait propre à la SLA avant l’apparition des symptômes est que les motoneurones dans le cerveau deviennent surexcités. Ce changement se produit au niveau cellulaire et ne peut pas être remarqué par les personnes qui le vivent, mais les chercheurs ont trouvé des preuves de la surexcitabilité dans les enregistrements électriques du cerveau et dans le liquide céphalorachidien des personnes qui souffrent de SLA.

Étudier l’inhibition dans la SLA

Bien que de nombreux chercheurs étudient les causes de cette surexcitation, ils sont peu nombreux à étudier le système inhibiteur, comme la Dre Sahara Khademullah, boursière postdoctorale qui travaille dans le laboratoire du Dr Yves De Koninck au Centre de recherche CERVO de l’Université Laval.

À titre d’étudiante au doctorat, la Dre Khademullah a précédemment travaillé dans le laboratoire de la Dre Melanie Woodin de l’Université de Toronto, financée par une bourse de découverte de la Société canadienne de la SLA et de la Fondation Brain Canada à l’époque. « La Dre Woodin m’a donné la liberté de poser plusieurs questions non conventionnelles et d’essayer de nouvelles techniques dans le but de découvrir un traitement potentiel pour la SLA », indique la Dre Khademullah. En travaillant avec la Dre Woodin, elle a découvert que l’augmentation de l’inhibition chez les souris avant qu’elles ne développent les symptômes de la SLA pourrait inverser certains dommages neuronaux et déficits moteurs associés à la maladie.

Plus récemment, la Dre Khademullah a travaillé dans le laboratoire du Dr De Koninck sur la première étude pour examiner le rôle d’une protéine appelée KCC2 (cotransporteur de chlorure de potassium 2) dans la SLA. La protéine KCC2 agit comme un gardien, en contrôlant si les signaux électriques ou les neurotransmetteurs peuvent entrer ou sortir de la cellule dans le cadre du processus d’inhibition. Des niveaux inférieurs de KCC2 ont été relevés chez les personnes qui souffrent de syndromes de douleur chronique, de lésion de la moelle épinière et de la maladie d’Alzheimer, ainsi que d’une forme sporadique de la SLA comparativement aux gens qui ne souffrent pas de la SLA.

Afin de mieux comprendre les effets des niveaux inférieurs de KCC2, la Dre Khademullah et le Dr De Koninck étudient des souris modifiées génétiquement pour reproduire les aspects de la forme familière de la SLA humaine pour voir quels motoneurones sont touchés par la maladie, lorsque la neurodégénérescence apparaît, et si la restauration des niveaux de KCC2 dans la moelle et le cerveau, ou les deux, peut stopper ou inverser la progression de la SLA.

Faire progresser la recherche sur la SLA

La Dre Khademullah a récemment reçu une bourse de stagiaire de 165 000 $ du Programme de recherche de la Société canadienne de la SLA, en partenariat avec la fondation Brain Canada et La Fondation Vincent Bourque, afin d’étudier davantage comment une transmission inhibitoire anormale le long du chemin qui relie le cortex moteur à la moelle épinière mène à la neurodégénérescence dans la SLA et si elle peut prévenir ou retarder la progression de la maladie chez les souris.

Elle espère découvrir quand les niveaux de KCC2 commencent à diminuer, ce qui indiquerait le moment idéal pour traiter les souris avec un médicament expérimental appelé CLP290, qui a été développé par le Dr De Koninck. « Si je peux restaurer les niveaux de KCC2 avec le médicament CLP290, j’espère pouvoir prévenir ou retarder l’apparition de la maladie chez les souris, et même mieux, stopper la progression une fois qu’elle a été déclenchée », indique la Dre Khademullah.

À terme, la Dre Khademullah espère que ses recherches indiqueront que la protéine KCC2 est une cible viable pour le développement d’un futur médicament et que les tests sur les niveaux dans le liquide céphalorachidien pourront un jour servir de biomarqueur fiable pour le diagnostic précoce et pour mesurer les réactions aux traitements expérimentaux dans les essais cliniques. « Trouver une cure pour la SLA nécessitera probablement une approche multidisciplinaire. En fonction de la place de l’inhibition dans l’histoire, nous pourrions être en mesure de prolonger l’espérance de vie et d’augmenter la qualité de vie des personnes qui vivent avec la SLA », affirme la Dre Khademullah.

« Une grande partie de ma passion et de ma volonté vient de la constatation que les gens qui vivent avec la SLA ont très peu d’options et placent leur foi dans les chercheurs et les médecins qui les aident de leur quête pour mettre fin à la SLA », indique la Dre Khademullah. « Chaque jour où je suis au travail, mon but est de trouver des réponses qui aideront. »

En mémoire de Vincent Bourque

Isabelle Lessard et Vincent Bourque.

La bourse de stagiaire de la Dre Khademullah est généreusement soutenue par un partenariat avec La Fondation Vincent Bourque, fondée peu avant le décès de M. Bourque en novembre 2018. M. Bourque a reçu un diagnostic de SLA en 2015 à l’âge 40 ans. À titre de grand défenseur de la recherche sur la SLA, il a compris que les percées futures de la recherche sont limitées par le financement disponible. Cela a mené à la création d’une fondation familiale pour favoriser l’accélération de la recherche dans l’espoir de trouver une cure.

Lorsque les travaux de la Dre Khademullah ont été présentés à la famille Bourque, celle-ci y a vu l’occasion d’appuyer la prochaine génération de chercheurs qui se consacrent à la SLA au Canada dans le but de créer un avenir sans SLA.

« Les progrès de la recherche au cours des dernières années ont permis aux personnes vivant avec la SLA d’espérer la découverte possible de traitements susceptibles de changer leur vie », a déclaré Isabelle Lessard de la Fondation Vincent Bourque. « Nous sommes fiers de contribuer à renforcer les possibilités de découvertes futures sur la SLA en appuyant les recherches de la Dre Khademullah dans le cadre de l’héritage de Vincent. »

Ce projet de recherche est l’un des six nouveaux projets de recherche de stagiaire financés en 2018 par le Programme de recherche de la Société canadienne de la SLA, qui constitue la seule source de financement dédiée à la recherche sur la SLA au Canada. Les bourses de stagiaires de la Société canadienne de la SLA appuient les chercheurs en puissance dans le domaine, qu’ils soient étudiants au doctorat, chercheurs postdoctoraux ou chercheurs cliniques associés. Les bourses de stagiaires encouragent les jeunes chercheurs à faire de la SLA leur champ d’intérêt et permettent d’assurer que le Canada possède une base de talents solide en matière de recherches sur la SLA, aujourd’hui et à l’avenir.

Le financement du projet a suivi un processus rigoureux d’évaluation scientifique par un comité de spécialistes internationaux de la SLA. Les membres de ces comités ont évalué un grand nombre de candidatures pour repérer les projets qui font preuve d’excellence scientifique et qui ont le potentiel de faire progresser le plus rapidement le champ de recherche de la SLA afin de mettre au point des traitements efficaces.

La Société canadienne de la SLA est un organisme de bienfaisance enregistré qui ne reçoit aucun financement public. Tout ce qu’elle fait – du financement de la recherche au soutien communautaire des personnes aux prises avec la SLA – est rendu possible uniquement grâce à la générosité des donateurs et aux partenariats avec les sociétés provinciales de la SLA qui contribuent à son programme de recherche.

Nous vous invitons à envisager de faire un don pour contribuer à un avenir sans SLA.

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