Cet article a été initialement publié sur le blogue de recherche de Motor Neurone Disease Association (l’Association pour les maladies de motoneurones) le 15 janvier 2019. Merci à l’auteur, le Dr Nicholas Cole, chef de la recherche, ainsi qu’à le Motor Neurone Disease Association pour avoir donné à la Société canadienne de la SLA la permission de publier de nouveau ce contenu.

 

Récemment, nous avons constaté une vague de nouvelles sur les résultats d’un essai clinique de phase 1 australien portant sur le Cuivre ATSM (CuATSM), un petit composé synthétique qui peut livrer sélectivement du cuivre dans les cellules. Les résultats ont d’abord été présentés lors de notre Symposium international de Glasgow en décembre dernier.

La MMN est une terrible maladie et toutes les personnes touchées cherchent de bonnes nouvelles. Nous espérons réellement que le CuATSM offrira un nouveau traitement pour la MMN et que celui-ci aura un effet positif sur la progression de la maladie.

Toutefois, le CuATSM n’est pas encore à un stade où un clinicien peut le prescrire comme traitement. Le développement d’un médicament est un long parcours, où tout médicament doit faire l’objet de vérifications rigoureuses avant d’être homologué. Cet essai constitue un premier pas important dans le processus de développement du médicament.

L’essai de phase 1 présenté était seulement conçu pour tester la sécurité et le dosage du composé CuATSM et les chercheurs ont démontré que la consommation de ce médicament est sécuritaire. Au cours de l’histoire, de nombreux médicaments prometteurs ont échoué ce stade; il est donc essentiel que ce médicament atteigne ce stade et le passe pour assurer son succès et son développement. Le prochain stade important consiste à mener l’essai sur un plus grand nombre de gens et voir si le médicament peut modifier la progression de la maladie.

Nous avons le devoir envers les gens atteints de MMN, leur famille et leurs aidants, de présenter ces articles de façon aussi exacte et factuelle que possible. Nous devons être réalistes et ne pas interpréter de façon exagérée les premières données prometteuses.

Bien que les données ont montré que le taux de déclin moyen du pointage de l’ALS Functional Rating Scale – Revised (échelle fonctionnelle de la SLA révisée ou ALSFRS-R) est plus faible que chez les cohortes de contrôle observationnel, est-il correct de déclarer un ralentissement de 70 % de la maladie dans une petite étude ouverte de phase 1, et est-ce que cette déclaration peut être démontrée? Pour le savoir, nous devons étudier les détails de l’étude réelle et de ses données.

L’étude

Premièrement, l’essai était un essai de phase 1 (voir notre feuille d’information sur les essais cliniques) principalement conçu et mené pour trouver un dosage sécuritaire du médicament (suivi des effets secondaires) et il n’était pas conçu pour déterminer l’efficacité (efficacité contre la maladie). Normalement, ces essais comportent seulement un petit nombre de participants.

L’objectif principal était de définir une dose recommandée pour la phase 2, soit la dose qui peut être prise avec un minimum d’effets secondaires. Il s’agit alors du dosage qui peut être testé dans un essai clinique plus grand, lequel examine aussi les effets sur les symptômes de la maladie.

Cette étude était un essai« ouvert ». Le terme « ouvert » signifie que toutes les personnes concernées, y compris les participants, savent qu’elles reçoivent le médicament au lieu d’un placebo. Le fait qu’il s’agisse d’un essai ouvert ou à l’aveugle est primoridal; le consensus indique cependant qu’un essai en double aveugle est plus fiable pour déterminer l’efficacité d’un médicament. Le terme « double aveugle » signifie que ni le participant, ni le clinicien, ne savent si le patient reçoit le médicament à l’essai ou un placebo.

Dans l’étude, 32 participants (29 ont achevé l’essai) étaient divisés en cinq groupes de dosage (avec un maximum de sept participants dans un groupe donné) où chaque groupe de dosage a reçu une quantité différente de CuATSM (soit 3, 12, 36, 72 ou 144 mg/jour) afin de déterminer la quantité sécuritaire la plus élevée du médicament. En fonction des données de sécurité et pharmacocinétiques (pour déterminer comment le corps gère la substance), la dose recommandée a été établie à 72 mg/jour.

Pendant l’essai, chaque personne a reçu une évaluation de la gravité de la maladie par pointage ALSFRS-R, de la fonction respiratoire par capacité vitale forcée (CVF) et des fonctions cognitives par un pointage sur l’Edinburgh Cognitive and Behavioural (ECAS). Ces données ont été mesurées au commencement (référence) et après le premier et le sixième mois d’un traitement quotidien avec le CuATSM. La pression nasale par reniflement (SNP) et le biomarqueur urinaire p75 de la progression de la maladie ont également été mesurés, mais ces données ne sont pas déclarées.

Les données (ALSFRS-R et CVF) proviennent du groupe à 72 mg/jour. Leurs données moyennes ont été comparées à un groupe de contrôle historique de 8 600 personnes atteintes MMN dans la base de données PRO-ACT.

Lorsqu’on les compare à la cohorte historique sur une période de plus de six mois, les résultats du groupe à 72 mg/jour ont montré ce qui suit :

  • fonction pulmonaire améliorée (+1,1 % prédit/mois comparativement à -2,24 % prédit/mois pour la CVF)
  • capacités cognitives améliorées (+10 points comparativement à aucun changement* pour le pointage ECAS)
  • taux ralenti de progression moyenne de la maladie (-0,29 point/mois comparativement au total attendu de -1,02 point/mois sur l’ALSFRS-R)

* Certaines améliorations des fonctions cognitives ont été déclarées chez les sujets de contrôle dans d’autres études. Cela peut être dû au fait que les participants deviennent plus familiers avec les tests.

Prises au pied de la lettre, on voit clairement pourquoi les données semblent bonnes et prometteuses. Toutefois, ces données ont été recueillies sur une période relativement courte (la plupart des essais à grande échelle durent au moins 12 mois) avec une étude ouverte comportant un très petit nombre de participants. Lorsqu’un test est effectué seulement sur un petit nombre de personnes, on peut parfois obtenir des résultats trompeurs.  Par conséquent, nous devons faire preuve d’une prudence optimiste et ne pas en voir trop dans les données en ce moment.

Voici les raisons pour lesquels il faut interpréter les résultats avec prudence.

  • Il s’agissait d’un essai avec seulement un petit nombre de participants. La MMN est une maladie hétérogène, ce qui signifie que la maladie de chaque personne est différente. La progression est non linéaire et peut être lente, s’arrêter ou même s’inverser pendant de courtes périodes chez les personnes atteintes de la MMN. L’essai a été mené sur 24 semaines. Il a été démontré que, dans les ensembles de données de contrôle des personnes atteintes de la MMN, sur une période de plus de six mois, un quart des participants inscrits dans un essai présenteront des périodes de ralentissement ou d’arrêt du déclin sur le pointage ALSFRS, même s’ils ne reçoivent aucun composé actif. Si quelques-uns de ces événements surviennent dans un essai comportant un très petit nombre de participants, les données peuvent être grandement influencées dans une direction ou l’autre. Par exemple, s’il y a une seule personne dont la progression connaît des périodes de ralentissement naturelles (sans lien avec le traitement), (p. ex., elle « semble » stable sur le médicament), alors dans une petite étude, il n’y aura pas suffisamment d’autres participants pour adoucir ce seul point de donnée.
  • L’essai était « ouvert », ce qui signifie que les participants savent qu’ils ont pris le médicament, ce qui expose les données au très réel, mais pas si bien compris, effet placebo.  Le fait que l’étude soit ouverte signifie que le participant, ainsi que le clinicien et l’infirmière (personne qui consigne le pointage ALSFRS ou ECAS) savent que le participant prend le médicament réel, ce qui change leur perception et leur approche (consciemment ou autrement).
  • Des contrôles historiques ont été utilisés. Cela donne seulement une moyenne, une personne « virtuelle  » avec la MMN à comparer avec les données expérimentales. Nous savons grâce à des études cliniques passées, comme la stimulation par diaphragme, que l’utilisation de données de contrôle historiques peut être très trompeuse.
  • Le titre accrocheur « le médicament qui délivre du cuivre CuATSM a ralenti la progression de la maladie de 70 % chez les patients » constitue vraiment une surinterprétation et une exagération étant donné le potentiel de variation de la progression lorsque le groupe compte seulement un petit nombre de participants.  De plus, l’échelle de points ALSFRS ne correspond pas directement à l’espérance de vie. Le chiffre vient de la différence entre le pointage ALSFRS-R final du groupe à 72 mg/jour comparativement aux contrôles historiques utilisés (-0,29 point/mois comparativement au total attendu de -1,02 point/mois tiré des contrôles historiques).

Quelle est la suite?

Ce qu’il faut maintenant, c’est tester le CuATSM dans un essai de suivi comportant un grand nombre de gens. La bonne nouvelle, c’est que cela va se produire. Des travaux supplémentaires sont nécessaires et sont prévus dans un essai clinique de phase 2 randomisé et contrôlé par placebo du CuATSM. La phase 2 commencera plus tard cette année à Sydney et à Melbourne.

Nous espérons réellement que ces résultats provenant de ce petit essai visant à déterminer la dose pourront être confirmés et que le CuATSM offrira un traitement efficace pour la MMN.

Il est positif de voir un exemple aussi clair de la façon dont l’argent amassé par les donateurs des organismes de bienfaisance peut mener les recherches jusqu’à un essai clinique de phase 1 pour ce composé qui est en développement depuis un certain temps. Toutes les personnes concernées (l’écolier qui vend des biscuits, les marcheurs, les nageurs, les coureurs de marathon, les patients, les familles, les donateurs, le personnel infirmier, les cliniciens et les bénévoles) doivent être félicitées pour cet accomplissement.

Remarque : le CuATSM est un composé spécialisé et ce n’est pas la même chose que de prendre des suppléments de cuivre, lesquels peuvent être toxiques à dose élevée.

Posted in: Non classifié(e)