L’un des principaux mystères de la SLA qui reste à élucider est la raison des différences de la maladie d’une personne à l’autre, phénomène connu comme l’hétérogénéité. Une meilleure compréhension des différentes formes de SLA permettra d’effectuer des essais cliniques plus efficaces et plus efficients des traitements expérimentaux et ouvrira la voie à une approche médicale plus personnalisée, dans laquelle le régime de traitement de chaque personne sera spécifique. Le cancer en est un bon exemple : les traitements actuels diffèrent grandement en fonction de la localisation et du type de cancer.
Le Dr Stefan Dukic, chercheur postdoctoral à University Medical Centre Utrecht (UMC Utrecht) aux Pays-Bas, a mis au point un moyen non invasif de classer les personnes atteintes de SLA en sous-groupes – beaucoup plus efficace que les méthodes actuelles fondées sur l’observation clinique – et pourrait s’appliquer aux personnes avant l’apparition des symptômes. Une méthode appelée électroencéphalogramme (EEG) à l’état de repos utilise de simples électrodes cérébrales placées sur le cuir chevelu pour mesurer l’activité électrique du cerveau. Le Dr Dukic, en collaboration avec des collègues des centres cliniques de Dublin (Irlande) et d’Utrecht, et sous la supervision de la professeure Orla Hardiman et le professeur Leonard van den Berg, dans leurs institutions respectives, ont démontré pour la première fois que l’EEG peut capturer des schémas anormaux d’activité cérébrale motrice et cognitive dans la SLA et que ces schémas révèlent quatre groupes distincts chez les personnes étudiées. Curieusement, ces groupes correspondent à des profils cliniques distincts et à des trajectoires de la maladie, indiquant que les schémas cérébraux détectés par l’EEG pourraient être en mesure de prédire l’évolution de la SLA. Les travaux initiaux ont été publiés dans la revue Brain en 2022.
Le Dr Dukic est prêt à poursuivre ses travaux sur l’EEG afin de les rapprocher potentiellement d’une utilisation pratique et de voir comment ils pourraient avoir une application supplémentaire, sinon meilleure, dans le cas de la SLA. Les prochaines étapes consistent à renforcer la puissance de l’EEG en l’associant à une autre technique non invasive, l’imagerie par résonance magnétique (IRM), pour former une mesure combinée. Il souhaite également utiliser cette combinaison de mesures pour identifier des marqueurs présymptomatiques de la SLA en étudiant les membres de famille asymptomatiques des personnes atteintes de SLA, porteurs de variantes génétiques héréditaires connues, et les comparant à des données provenant de témoins et de personnes déjà diagnostiquées.
Une Subvention d’accélération de Stevie Fever Foundation et de la Société canadienne de la SLA a été accordée pour renforcer le personnel afin d’accélérer ce travail en recrutant des participants, en recueillant des données et en analysant les résultats à deux fois la vitesse actuelle du Dr Dukic. Il vise également à augmenter la taille de l’étude par rapport à son travail publié initialement en 2022. Cela permettra d’améliorer la fiabilité des résultats, en particulier lorsqu’il s’agit de découvrir des schémas complexes chez des personnes dont le processus pathologique sous-jacent est en cours, mais qui ne présentent pas encore de symptômes.
« Trouver des moyens innovants pour détecter les premiers signes de la maladie, bien avant l’apparition des symptômes, pourrait être la clé pour prévenir un jour la SLA telle que nous la connaissons aujourd’hui. Fournir un soutien pour déterminer plus rapidement si cette stratégie non invasive peut détecter la pathologie sous-jacente et potentiellement mener à un diagnostic et à un traitement plus précoces est exactement le type d’opportunité pour laquelle ce programme a été créé », affirme le Dr David Taylor, vice-président de la recherche et des partenariats stratégiques de la Société canadienne de la SLA.
Contribution à la lutte contre la SLA à l’échelle mondial
Le Dr Dukic vise à ce que l’EEG soit utilisé dans la SLA au-delà des Pays-Bas et de l’Irlande. Les résultats qu’il a obtenus en 2022 susciteront sans aucun doute des études de confirmation dans d’autres pays et pourraient inciter d’autres personnes à étudier le potentiel de cette méthode chez les porteurs de variantes génétiques asymptomatiques. Les EEG sont largement disponibles et relativement peu coûteux, facilitant ainsi la collaboration, comme le démontrent déjà très bien Trinity College et UMC Utrecht en Europe. En Irlande, la professeure Roisin McMackin, le professeur Bahman Nasseroleslami et d’autres collègues explorent également l’utilité de l’EEG dans d’autres domaines.
En outre, le Canada est le seul pays du monde à disposer des données d’IRM les plus détaillées sur la SLA, grâce aux initiatives du Consortium canadien de neuroimagerie de la SLA (CALSNIC pour ses sigles en anglais) et de CAPTURE (Comprehensive Analysis Platform To Understand, Remedy, and Eliminate) SLA dirigées par le Dr Sanjay Kalra de l’université de l’Alberta. L’EEG n’a été intégré dans aucune des études canadiennes sur la SLA, mais la mise en place d’une mesure conjointe EEG-IRM grâce à la Subvention d’accélération pourrait déboucher sur de solides collaborations futures et sur la possibilité d’en saisir la valeur plus tôt que dans d’autres régions.
La valeur de l’EEG et de l’EEG-IRM dans la SLA reste à déterminer et il est encore trop tôt pour savoir si ces techniques auront un impact sur les humains. Ce financement aidera le Dr Dukic à obtenir des résultats plus rapidement, un avantage significatif dans la SLA.