Partout dans le monde, les chercheurs dans le domaine de la SLA continuent d’ajouter aux travaux existants en faisant de nouvelles découvertes dans l’espoir de concrétiser un avenir sans SLA. La Mise à jour sur la recherche sur la SLA d’octobre 2021 vous décrira les progrès réalisés par les chercheurs pour découvrir de nouveaux facteurs de risque pour la SLA et de nouvelles cibles thérapeutiques, mieux comprendre comment le corps peut compenser la perte de motoneurones dans les premiers stades de l’évolution de la maladie, démêler les mécanismes biologiques complexes sous-tendant la régulation génétique dans la SLA et étudier un nouveau biomarqueur par imagerie qui pourrait fournir aux chercheurs les outils nécessaires pour mieux évaluer l’efficacité des nouveaux traitements prometteurs.
Découverte d’une nouvelle cible thérapeutique potentielle pour la forme sporadique et la forme familiale de la SLA
Des chercheurs croient avoir découvert un événement précoce qui pourrait déclencher la cascade de dysfonctionnement cellulaire qui finit par entraîner la mort des motoneurones dans les formes sporadique et familiale de la SLA.
Les scientifiques en connaissent beaucoup sur les stades terminaux de la SLA, mais ils en savent beaucoup moins au sujet des événements cellulaires précoces qui déclenchent cette maladie. Par exemple, des travaux ont montré que des modifications au complexe du pore nucléaire (« nuclear pore complex » ou NPC, qui est un gros complexe protéique assurant le transport des substances entre le noyau et le cytoplasme d’une cellule) jouent un rôle dans la SLA et entraînent de nombreuses conséquences en aval. Toutefois, on ne sait toujours pas à quel moment ces modifications surviennent et quelle en est la cause.
On sait qu’une protéine particulière appelée CHMP7 joue un rôle dans le maintien du fonctionnement adéquat des NPC. Dans le cadre d’une étude, des chercheurs ont analysé des motoneurones dérivés de cellules souches pluripotentes induites provenant de personnes atteintes de la SLA et découvert que CHMP7 était présente en concentration accrue dans le noyau des cellules de ces patients.
D’autres études ont révélé que l’accumulation observée de cette protéine à l’intérieur du noyau semblait indiquer que les lésions du NPC constituent un possible élément déclencheur précoce des lésions des motoneurones. En outre, comme CHMP7 n’est pas censée se trouver dans le noyau, le fait qu’elle se trouve erronément hors du cytoplasme semble provoquer la mauvaise localisation d’une autre protéine importante appelée TDP-43, qui est un marqueur crucial dans presque tous les cas de SLA. Les chercheurs ont ensuite utilisé une méthode par molécule antisens pour éliminer CHMP7 des cellules et découvert que ce traitement réduisait le dysfonctionnement du NPC, la mauvaise localisation de TDP-43 de même que la mort cellulaire.
Ces observations laissent croire que les traitements ciblant CHMP7 pourraient représenter une voie prometteuse à explorer dans la mise au point de nouveaux traitements contre les formes sporadique et familiale de la SLA. En ciblant des événements précoces dans le processus pathologique, les chercheurs espèrent être capables de prévenir les effets ultérieurs qui mènent à la mort des motoneurones.
Découverte d’un nouveau facteur de risque pour la SLA sporadique dans une étude génétique de grande envergure
Une nouvelle étude génétique d’envergure a récemment révélé que des mutations rares d’un gène appelé TP73 pouvaient accroître le risque qu’une personne développe la forme sporadique de la SLA.
On pense que des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux jouent un rôle dans l’apparition de la SLA sporadique (c.-à-d. les cas sans antécédents familiaux). Pour découvrir de nouveaux facteurs de risque potentiels de développement de cette maladie, une équipe de chercheurs a recueilli des échantillons de sang de 87 personnes atteintes de la SLA sporadique et de 324 témoins sains. À l’aide de la technique de séquençage d’exomes, ces chercheurs ont découvert que cinq personnes atteintes de la SLA sporadique étaient porteuses de mutations rares dans le gène TP73.
Ils ont ensuite élargi la portée de cette étude pour y inclure quelque 2 900 participants et ont fini par trouver au total, 24 différentes mutations rares de TP73. Ce gène produit une protéine appelée p57 qui aide à réguler le cycle de vie de la cellule. Au sein du système nerveux en particulier, cette protéine agit pour favoriser la survie des cellules nerveuses en inhibant spécifiquement certaines voies de mort cellulaire. D’autres études sur des cellules musculaires cultivées en laboratoire ont montré que la production d’une protéine p57 normale est essentielle pour la santé des cellules nerveuses et que la mutation de ce gène a un effet délétère sur la fonction normale de la protéine.
Dans l’ensemble, ces résultats laissent supposer que les mutations de TP73 augmentent le risque de SLA en raison de l’incapacité de la protéine mutée de réprimer des voies précises de mort cellulaire. Cette découverte fournit une nouvelle cible aux chercheurs qui travaillent à la mise au point de traitements pour ralentir ou même arrêter la progression de la SLA.
Une étude d’imagerie cérébrale permet la découverte d’un biomarqueur qui relate l’évolution de la maladie
Une équipe de chercheurs canadiens dirigée par le Dr Sanjay Kalra à l’University of Alberta a trouvé que le taux de N-acétylaspartate (NAA), un marqueur de l’état de santé neuronale, peut servir d’indicateur de l’évolution de la SLA.
The Consortium canadien de neuro-imagerie de la SLA (CALSNIC) est une équipe multidisciplinaire de spécialistes de partout au Canada composée de neurologues, de scientifiques spécialisés en imagerie par résonance magnétique (IRM), d’informaticiens, de neuropathologistes et d’un biostatisticien. Financé en partie par la Société canadienne de la SLA grâce à une bourse d’équipe translationnelle Arthur J. Hudson de la Société canadienne de la SLA et de la Fondation Brain Canada de 2015, ce projet national vise à mettre au point des méthodes d’IRM de pointe pour trouver des biomarqueurs chez les personnes atteintes de la SLA ou de troubles connexes.
Dans cette étude, 76 personnes aux prises avec la SLA et 59 témoins sains ont été inscrits dans cinq centres au Canada. Suivant des protocoles harmonisés élaborés par l’entremise de la plateforme CALSNIC, les participants ont subi des évaluations cliniques et une spectroscopie par résonance magnétique (SRM) à trois reprises sur une période de huit mois. Le taux de NAA a été quantifié dans différentes régions du cerveau et comparé aux données cliniques, ce qui a permis aux chercheurs de séparer les participants en différents sous-groupes en fonction du taux de progression de la maladie, de la présence de signes d’atteinte des motoneurones supérieurs (MNS) et des capacités cognitives.
Les chercheurs ont découvert que, comparativement aux témoins sains, les gens souffrant de SLA présentaient à leur première visite un taux réduit de NAA dans le cortex moteur, qui est la région du cerveau associée aux mouvements volontaires. De plus, les patients dont l’évolution de la maladie était plus rapide et qui présentaient une plus grande atteinte des MNS montraient une plus grande réduction du taux de NAA, qui diminuait davantage au fil du temps, comparativement aux patients dont l’évolution était moins rapide ou qui présentaient moins de signes d’atteinte des MNS. Un taux réduit de NAA dans le cortex préfrontal, qui jouerait un rôle dans des processus comme la planification, la prise de décisions, la personnalité et le comportement social, a seulement été observé chez les participants présentant des déficits cognitifs.
Les données montrent que la dégénérescence progressive du cortex moteur, décelée à l’aide du taux de NAA, est associée à une progression accélérée de la maladie et à un nombre accru de signes d’atteinte des MNS chez les personnes atteintes de SLA. La mise au point d’un biomarqueur non effractif comme celui décrit ici pourrait aider les cliniciens à mieux séparer les patients en sous-groupes pour les essais de nouveaux traitements pharmacologiques et permettre d’améliorer la conception et le taux de réussite des études cliniques futures sur la SLA.
Comment le corps compense-t-il la perte de motoneurones dans la SLA?
En général, avant qu’une personne présente une perte de fonction associée à la SLA, une importante perte de motoneurones s’est déjà produite, ce qui laisse croire que dans les premiers stades de la maladie, le corps est peut-être capable de compenser la perte de connexions entre les motoneurones et les muscles. De nouveaux travaux de recherche indiquent que les boutons cholinergiques (boutons C), qui sont des synapses spécialisées qui influencent l’activité des motoneurones, pourraient jouer un rôle dans cet effet compensateur.
Les boutons C ont initialement été découverts il y a plus de 50 ans, mais jusqu’à tout récemment, leur fonction était inconnue. En 2009, des travaux de recherche sur des souris réalisés par le Dr Turgay Akay, de Dalhousie University, ont montré que les boutons C étaient responsables de la modification de l’excitabilité des motoneurones et que le degré d’excitabilité dépendait de ce que l’activité des souris. Par exemple, pendant la nage, les motoneurones sont beaucoup plus excités et entraînent une plus grande activation musculaire que pendant la marche. Les résultats ont montré que comme le bouton du volume qui contrôle le volume sonore d’une radio, les boutons C peuvent « augmenter le volume » pour contrôler la façon dont les motoneurones réagissent.
Dans le cadre d’une récente étude financée en partie par la Société canadienne de la SLA par le biais d’une subvention de projet de 2017, le Dr Akay et son équipe ont découvert que les boutons C augmentaient l’excitabilité des motoneurones survivants pour compenser la perte de motoneurones pendant la progression de la SLA, mais qu’au fil du temps, le stress accru que subissent ces motoneurones aggravait en fait la progression de la maladie.
À l’aide d’un modèle murin de SLA, les chercheurs ont découvert qu’avec le temps, les souris dont les boutons C étaient génétiquement inactivés (c.-à-d. non fonctionnels) se portaient mieux que leurs homologues non traitées. De plus, lorsque les boutons C sont inactivés et que les souris sont encouragées à effectuer fréquemment des exercices visant à tout de même activer les boutons C, comme la nage, la perte de fonction est ralentie comparativement aux souris non traitées.
Pris dans leur ensemble, ces résultats laissent supposer que les traitements ciblant les boutons C pourraient être bénéfiques pour les personnes aux prises avec la SLA et qu’ils pourraient, au fil du temps, entraîner une amélioration de la mobilité et de la qualité de vie.
Nouvelles perspectives sur le rôle que pourrait jouer la régulation génétique dans la SLA
Des chercheurs ont découvert une substance appelée miR-218 qui se trouve à un taux inférieur à la normale chez les personnes atteintes de SLA. Ils pensent que cette diminution contribue à l’apparition et à l’évolution de la maladie.
Les microARN (miARN) sont de petites molécules d’ARN qui ciblent l’ARN messager (ARNm), l’intermédiaire moléculaire dérivé de l’ADN qui sert à produire les protéines dans la cellule. Les miARN régulent l’activité des gènes en se liant spécifiquement à des ARNm et en empêchant la fabrication des protéines qui leur sont associées.
Dans une étude, des chercheurs ont découvert que la quantité de miR-218 était réduite chez les personnes atteintes de SLA sans être complètement absente. Ils ont donc décidé d’examiner si une quantité particulière de miR-218 est requise pour que les motoneurones fonctionnent correctement. À l’aide d’un modèle murin de SLA, ces chercheurs ont montré qu’un taux de miR-218 supérieur à 36 pour cent du taux qui serait normalement observé chez les individus sains entraînait une signalisation normale entre les neurones et les muscles. Toutefois, un déficit de signalisation se produisait dès que le taux était inférieur à 36 pour cent, alors qu’un taux inférieur à 7 pour cent devenait létal.
D’autres analyses ont révélé que miR-218 régule l’activité d’environ 300 gènes différents dans la cellule, dont bon nombre jouent un rôle dans la communication neuromusculaire. La découverte qu’une légère variation du taux de miR-218 peut altérer l’activité des gènes dans la cellule, plutôt qu’un simple interrupteur marche/arrêt, révèle la présence d’un réseau de régulation génétique plus dynamique et plus complexe que ce que l’on pensait auparavant.
Cette étude jette les bases pour comprendre comment la régulation précise du taux de certaines substances, comme miR-218, peut influencer l’évolution de la maladie et pourrait mener à la mise au point de nouvelles cibles thérapeutiques.