Une des caractéristiques spécifiques de la SLA est l’agrégation de protéines dans les motoneurones. On croit que ces agrégats entraînent une toxicité et finissent par causer la mort des motoneurones, entraînant la diminution du contrôle musculaire, de la mobilité et, à terme, de la capacité à manger et à respirer. De nombreux scientifiques cherchent des moyens d’éliminer l’agrégation de protéines ou de bloquer la production de protéines pour ralentir la progression de la SLA ou même un jour arrêter cette maladie dès le départ.
À l’heure actuelle au Canada, le riluzole est le seul médicament homologué pour le traitement de la SLA. Un deuxième médicament, appelé Radicava (édaravone), a été approuvé au mois de mai dernier par la Food and Drug Administration des États-Unis et fait présentement l’objet d’un examen par Santé Canada. Ces deux médicaments ont un certain effet sur la maladie chez certaines personnes, mais des traitements plus efficaces sont requis le plus rapidement possible.
Et s’il y avait moyen d’inactiver les gènes qui produisent les protéines problématiques? Des médicaments inactivateurs de gènes appelés petits ARN interférents (ARNi) constituent une nouvelle classe de médicaments qui peuvent être facilement synthétisés et qui, dans certaines études, ont permis de diminuer de plus de 80 % le taux de protéines spécifiques pendant une période pouvant atteindre six mois chez les humains. Ces médicaments semblent très prometteurs dans le traitement de divers troubles hépatiques dans le cadre d’essais cliniques de stade avancé présentement en cours.
Bien qu’il soit stimulant de penser à la façon dont ils pourraient être utilisés chez les personnes atteintes de SLA, leur utilisation s’est jusqu’à présent révélée problématique. « Les petits ARNi montrent un grand potentiel à éliminer les agrégats toxiques de protéines qui causent la SLA », explique le Dr Derrick Gibbings, chercheur à l’Université d’Ottawa. « Malheureusement, les tentatives de les transporter aux motoneurones atteints dans les cas de SLA ont échouées et ont souvent entraîné des effets néfastes causés par les substances chimiques utilisées et les méthodes inefficaces de transport de médicaments utilisées dans le cadre d’expériences sur des animaux. »
Il est très difficile de transporter les traitements jusqu’au cerveau puisque l’organisme possède un système de défense appelé barrière hémato-encéphalique, qui est un réseau strictement contrôlé de vaisseaux sanguins qui empêchent les substances étrangères de pénétrer dans le cerveau. Le Dr Gibbings et ses collègues ont découvert une nouvelle technologie qui permet le transport des petits ARNi au-delà de la barrière hémato-encéphalique à l’aide d’exosomes, qui sont de minuscules structures cellulaires semblables à des bulles qui se trouvent naturellement en grande quantité dans le sang et les autres liquides corporels. Les chercheurs ont montré qu’il est possible de diminuer de 40 à 60 % la quantité de protéine SOD1 associée à la SLA dans les motoneurones de souris grâce au chargement, dans des exosomes, de petits ARNi spécifiquement synthétisés pour s’attaquer à SOD1. Leurs résultats indiquent que les exosomes pourraient un jour constituer un moyen efficace de transporter des médicaments inactivateurs de gènes par injection dans la circulation sanguine.
Le Dr Gibbings et ses cochercheurs, le Dr Baptiste Lacoste et le Dr Maxim Berezovski de l’Université d’Ottawa, ont récemment reçu une subvention de 125 000 $ du programme de recherche de la Société canadienne de la SLA pour réaliser d’autres études sur ce nouveau vecteur de transport de médicaments. Le Dr Gibbings, un spécialiste de la biologie des exosomes, a découvert une façon de remplir les exosomes de médicaments inactivateurs de gènes. Il est en pourparlers depuis plusieurs années avec une société pharmaceutique pour appliquer en clinique cette technologie à d’autres maladies. Le Dr Lacoste est un spécialiste de la barrière hémato-encéphalique, alors que le Dr Berezovski se spécialise dans le ciblage de médicaments dans des tissus précis comme le cerveau.
Dans le cadre de ce projet, les chercheurs détermineront les meilleures doses et le meilleur moment pour réduire le taux de protéines liées à la SLA chez des souris, de façon à obtenir des données importantes qui jetteront les bases d’un essai clinique futur sur des patients atteints de SLA. Après avoir injecté les exosomes chargés de petits ARNi dans les souris par voie intraveineuse, les chercheurs mesureront combien d’exosomes traverseront dans le cerveau, détermineront la voie d’entrée ainsi que le moment et vérifieront si les petits ARNi peuvent réduire efficacement le taux de protéine cible dans les motoneurones des animaux. « Nous réaliserons d’abord nos analyses dans le modèle murin SOD1. Si ça fonctionne, il nous sera facile de synthétiser des petits ARNi contre d’autres protéines associées à la SLA, telles que C9orf72 et l’ataxine 2, pour les évaluer également », explique le Dr Gibbings.
Si ces analyses sont fructueuses, il prévoit que cette nouvelle méthode de traitement pourrait représenter un moyen efficace de réduire la quantité de protéines associées à la SLA chez une grande proportion de personnes atteintes de SLA. Il espère également que ce projet de recherche pavera la voie à l’administration de doses réduites de médicaments inactivateurs de gènes par voie intraveineuse, une intervention moins effractive que la méthode actuelle par voie intrathécale par laquelle des médicaments sont perfusés directement dans le liquide céphalorachidien par l’espace sous-arachnoïdien se trouvant dans la moelle épinière inférieure.
« Nous visons à obtenir des données solides qui permettront la mise sur pied d’un essai clinique sur des volontaires humains dans environ cinq ans et espérons que les recherches futures permettront de valider un nouveau traitement pour les patients atteints de la SLA », indique le Dr Gibbings.