La démence frontotemporale (DFT) est un groupe de troubles causés par la perte de cellules nerveuses dans les zones du cerveau responsables de la gestion des fonctions cognitives et du mouvement volontaire. En soi, la DFT, qui est la deuxième forme de démence la plus courante après la maladie d’Alzheimer, peut causer des problèmes de mémoire et d’attention, et altérer la flexibilité cognitive, soit la capacité d’adapter sa pensée et son comportement selon des conditions changeantes. Dans les années 1980, on pensait que la DFT survenait rarement chez les personnes atteintes de SLA, mais les scientifiques ont récemment découvert qu’elle se produisait plus souvent et que ces deux maladies avaient de nombreux traits communs. En fait, plusieurs études suggèrent que la SLA et la DFT pourraient être regroupées dans un même spectre clinique de troubles neurodégénératifs.
Dans les cas de SLA, la DFT peut causer des symptômes légers qui ne causent pas de problèmes, des changements notables dans le comportement ou dans les processus cognitifs impliquant les aptitudes de compréhension et linguistiques, ou dans environ 15 % des cas, une démence complète. En outre, de plus en plus d’études ont démontré que la SLA elle-même peut entraîner des problèmes cognitifs et qu’environ 50 à 60 % des patients atteints de SLA présentent un certain niveau de démence.
L’association entre la DFT et la SLA est pénible pour les personnes confrontées à un diagnostic de SLA; cependant, l’apparition et l’évolution des symptômes de DFT fournissent de nouveaux indices sur la nature de la SLA. Le Dr Flavio Beraldo, professeur auxiliaire au Département de physiologie et de pharmacologie ainsi qu’associé de recherche au Robarts Research Institute de l’Université Western à London, en Ontario, étudie depuis 2008 les mécanismes biologiques des maladies neurodégénératives chez les souris génétiquement modifiées. Son principal domaine d’intérêt particulier a été la maladie d’Alzheimer, mais au cours des deux dernières années, il a élargi l’étendue de ses travaux pour inclure la SLA.
Le Dr Beraldo et ses collègues ont entraîné avec succès des souris à utiliser une technologie d’écran tactile novatrice capable de mesurer les déficits cognitifs. Voici comment cela fonctionne : une souris est placée dans un compartiment situé dans une boîte fermée qui est environ de la même taille qu’un four grille-pain et possède un mur tactile semblable à un iPad. La souris apprend à toucher la bonne image sur l’écran avec son nez en recevant soit une récompense sous forme de nourriture pour un bon choix, soit un faisceau de lumière pour une mauvaise décision. Le système, appelé chambre à écran tactile Bussey-Saksida, porte le nom de ses inventeurs, le Dr Tim Bussey et la Dre Lisa Saksida du Translational Cognitive Neuroscience Lab (TCNLab) de l’Université Western. Il utilise un logiciel adapté à partir du Cambridge Neuropsychological Test Automated Battery (CANTAB), l’outil de référence par excellence utilisé pour évaluer les fonctions cognitives humaines.
Le Dr Beraldo et deux cochercheurs, le Dr Marco Prado et la Dre Vania Prado, ont récemment reçu une bourse de projet de la Société canadienne de la SLA d’une valeur de 110 770 $ pour utiliser la technologie d’écran tactile pour étudier les déficits cognitifs chez des souris génétiquement modifiées de manière à imiter les humains atteints de SLA. Ils utiliseront des souris qui ont été modifiées pour surproduire de la TDP-43, une protéine qui est souvent mal repliée et qui forme des amas anormaux dans plus de 95 % des cas de SLA humaine et que l’on retrouve également dans plus de la moitié des cas de DFT. Les chercheurs mettront à l’épreuve les souris en leur faisant accomplir des tâches qui évaluent l’attention, la motivation/apathie, la flexibilité cognitive et la mémoire à mesure que la pathologie de la SLA et les déficits moteurs progressent. Le Dr Marco Prado est un expert dans la recherche sur les façons dont les comportements anormaux des protéines mènent aux maladies neurodégénératives chez les souris et la Dre Vania Prado est une experte dans la modification génétique des souris pour comprendre les mécanismes des maladies neurodégénératives.
Le système d’écran tactile est entièrement automatisé avec des composants électroniques qui recueillent des données, il n’y a donc aucune possibilité que l’interaction humaine par un chercheur puisse influencer le comportement des souris, un problème qui survient parfois dans les recherches habituelles utilisant des souris. La boîte contient quatre compartiments distincts, ce qui permet aux chercheurs d’effectuer leurs tests sur quatre souris à la fois. Au total, les tests peuvent être effectués sur 200 à 300 souris par jour, ce qui représente une augmentation significative par rapport aux 50 à 60 souris par jour sur lesquelles il était possible d’effectuer des tests dans les recherches habituelles utilisant des souris où un chercheur observe et enregistre le comportement de chaque souris. Puisque les tâches expérimentales effectuées par les souris sont très similaires à celles utilisées pour tester les humains, si ce projet réussit, la technologie d’écran tactile pourrait être facilement adaptée pour tester chez les souris de nouveaux médicaments potentiels qui pourraient être appliqués aux essais cliniques sur les humains à l’avenir.
« Nous espérons détecter des troubles cognitifs chez les souris présentant des anomalies de la protéine TDP-43 et nous prévoyons que les déficits cognitifs apparaîtront avant les déficits moteurs », a déclaré le Dr Beraldo. « En fin de compte, en comprenant mieux le développement et la progression des déficits cognitifs chez les souris, nous pourrions être en mesure de diagnostiquer la SLA de façon plus précoce et d’utiliser la technologie d’écran tactile pour tester des médicaments dans le cadre de futures recherches. »
Vous aurez l’occasion d’entendre le Dr Beraldo parler de sa recherche le 24 janvier 2018 (à midi, heure de l’Est) pendant le premier webinaire de l’année du programme de recherche de la Société canadienne de la SLA. Inscrivez-vous dès maintenant!