Les muscles sont constitués de fibres distinctes regroupées qui reçoivent des signaux des motoneurones, ce qui a pour effet de contracter ou de détendre les muscles. Les motoneurones se lient aux fibres musculaires individuelles à de petits endroits appelés jonctions neuromusculaires, où des cellules gliales spécialisées appelées cellules de Schwann périsynaptiques (CSP) assurent le bon fonctionnement des jonctions dans un organisme sain.
Les CSP jouent habituellement un rôle d’entretien pour assurer le bon fonctionnement des jonctions neuromusculaires; cependant, en présence d’une maladie ou d’une lésion, elles passent à un rôle de réparation en éliminant les terminaisons nerveuses lésées qui sont liées aux fibres musculaires et en les nettoyant pour permettre le rétablissement des connexions. Une fois que les connexions ont été réparées, les CSP reprennent leur fonction d’entretien habituelle.
Dans la SLA, la destruction des connexions dans les jonctions neuromusculaires se produit tôt dans l’évolution de la maladie et finit par entraîner une faiblesse musculaire et la paralysie. Le Dr Richard Robitaille, chercheur et professeur à l’Université de Montréal, étudie les jonctions neuromusculaires depuis plus de 30 ans. Il a découvert qu’en présence de la SLA, les CSP ne passent pas efficacement du mode d’entretien au mode de réparation. Au fil du temps, l’absence de réparation des jonctions neuromusculaires fait en sorte que les motoneurones perdent leur capacité à communiquer avec les fibres musculaires qui sont essentielles à la capacité de marcher, de parler, de manger, d’avaler et de respirer. Comprendre comment et pourquoi les CSP ne fonctionnent pas correctement dans la SLA permettrait d’aider à prévenir la dégénérescence des jonctions neuromusculaires.
Toutefois, l’une des grandes questions au sujet de la SLA n’a pas été bien étudiée : pourquoi les motoneurones qui contrôlent les mouvements de l’œil sont-ils plus résistants aux ravages infligés par la maladie? À mesure que la SLA progresse, les motoneurones contrôlant les muscles extraoculaires finissent par être endommagés, mais ce type de motoneurones est habituellement l’un des derniers à être touché dans le corps. Il est relativement courant que les personnes dont la majeure partie du corps est paralysée en raison de la SLA de stade avancé soient toujours capables de communiquer à l’aide de dispositifs technologiques d’assistance utilisant les mouvements oculaires.
« Il doit y avoir une raison expliquant pourquoi les neurones et les jonctions neuromusculaires qui contrôlent les muscles extraoculaires sont plus résistants à l’évolution pathologique de la SLA que les autres motoneurones du corps », dit le Dr Robitaille. « Personne n’a encore examiné les raisons pour lesquelles les jonctions neuromusculaires sont mieux préservées dans ces muscles que dans d’autres types de muscles ni les différences dans les fonctions et les propriétés des CSP. »
Le Dr Robitaille a récemment reçu une bourse de 122 000 $ du programme de recherche de la Société canadienne de la SLA pour analyser les différences entre les jonctions neuromusculaires des muscles oculaires et celles des muscles des jambes chez la souris. En utilisant des souris qui ont été modifiées pour exprimer la mutation du gène SOD1 associée à la SLA humaine, il examinera les CSP dans les jonctions neuromusculaires de deux muscles des jambes différents ainsi que des muscles extraoculaires à deux stades de la maladie, soit avant et après l’apparition des symptômes. « Je prévois que les CSP des muscles contrôlant les mouvements oculaires seront comparables à celles que l’on retrouve dans les souris saines pour permettre aux fonctions de communication, d’entretien et de réparation de s’exercer correctement », explique le Dr Robitaille. Il examinera ensuite quelles protéines sont présentes et en quelle quantité pour déterminer s’il peut déceler des différences dont les scientifiques pourront un jour tirer profit pour mettre au point des traitements ciblés.
« Si je peux découvrir des processus de protection dans les connexions extraoculaires à l’œuvre dans le contexte de la SLA et découvrir des différences dans les protéines présentes dans les jonctions neuromusculaires, j’espère que dans le futur, on sera en mesure d’appliquer ces connaissances pour ralentir la dégénérescence des jonctions neuromusculaires vulnérables », soutient le Dr Robitaille. « À terme, cette nouvelle avenue de recherche pourrait permettre de trouver des traitements futurs qui pourraient ralentir la progression de la maladie et améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de la SLA. »