Quand on regarde l’image d’une cellule dans un livre de science, les structures internes ont l’air statiques et organisées de façon ordonnée. Toutefois, dans les cellules vivantes, de nombreux processus sont à l’œuvre pour convertir les nutriments en énergie et produire les protéines nécessaires à la fonction et à la croissance des tissus et des organes du corps. Les protéines doivent se replier en une structure tridimensionnelle précise pour accomplir leurs tâches correctement. Les protéines mal repliées, comme celles qu’on retrouve dans la SLA, sont non seulement incapables d’accomplir leur travail, elles deviennent toxiques.
Les cellules saines utilisent trois grands mécanismes de réponse pour se protéger des protéines récalcitrantes : (1) la réponse au choc thermique; 2) la réponse aux protéines non repliées, qui permet de diminuer les lésions causées par les protéines mal repliées; et (3) la réponse antioxydative, qui permet de diminuer la quantité de dérivés réactifs de l’oxygène, qui sont des sous-produits naturels du métabolisme qui sont toxiques en grande quantité.
Une hypothèse sur la façon dont débute la SLA est que l’une de ces trois réponses au stress cesse de fonctionner correctement dans les motoneurones. À mesure que la maladie progresse, les autres réponses au stress deviennent surchargées et sont incapables de protéger les cellules. La présence d’une mutation génétique sous jacente qui provoque chez les motoneurones une surproduction de protéines mal repliées associées à la SLA pourrait accélérer l’apparition et la progression de cette maladie.
Sonja Di Gregorio, étudiante au doctorat dans le laboratoire du Dr Martin Duennwald à l’Université Western de London, en Ontario, étudie les réponses cellulaires au stress dans des cellules de levure qui ont été modifiées pour exprimer des protéines associées à la SLA humaine. « Au premier abord, il peut être difficile d’imaginer qu’un organisme unicellulaire comme la levure puisse avoir un lien avec la complexité d’un motoneurone humain », explique Mme Di Gregorio. « Mais ses réponses cellulaires au stress sont très semblables à celles observées chez les humains, ce qui en fait un modèle de recherche idéal. » Il est beaucoup plus rapide de réaliser des études de recherche dans la levure que dans des modèles animaux : il ne suffit qu’entre trois jours et une semaine pour réaliser une expérience dans la levure, comparativement à entre quelques mois et plusieurs années pour les modèles de recherche animaux.
Mme Di Gregorio a récemment reçu une bourse de stagiaire de 50 000 $ de la Société canadienne de la SLA pour étudier les réponses cellulaires au stress dans des levures modifiées à l’aide de protéines associées à la SLA – soit TDP-43, FUS et RGNEF. « On sait que lorsque ces protéines s’agrègent dans les motoneurones, elles causent une toxicité qui entraîne la SLA. Dans le cadre de mon projet de recherche, j’examinerai si elles perturbent les processus de réponse cellulaire au stress et, le cas échéant, par quels mécanismes cela se produit », explique Mme Di Gregorio. « Je n’analyse pas seulement ce qu’une mutation fait; j’analyse les processus qui font défaut pour pouvoir comprendre pourquoi ils font défaut. Ces mécanismes cellulaires de garde peuvent aussi s’influencer mutuellement. » En ajoutant aux cellules des substances qui s’illuminent en rouge ou en vert sous un microscope, Mme Di Gregorio déterminera laquelle ou lesquelles des trois réponses cellulaires au stress sont activées ou perturbées en présence des protéines de la SLA.
RGNEF est une protéine qui a récemment été associée à la SLA par le Dr Michael Strong et ses collègues dans son laboratoire de l’Université Western. Son mode d’action, que ce soit dans des motoneurones sains ou des motoneurones atteints de SLA, n’est pas encore bien compris. Mme Di Gregorio, qui est la première scientifique du monde à avoir intégré RGNEF dans une cellule de levure, jettera les bases d’études futures sur RGNEF en examinant les processus cellulaires qui surviennent lorsque cette protéine est mal repliée et s’agrège. Si elle identifie des processus qui méritent une exploration approfondie, elle prévoit ultérieurement examiner RGNEF dans des modèles animaux et dans des échantillons de tissus humains dans le laboratoire du Dr Strong.
« Dans le cas de certains autres troubles neurodégénératifs, on pourrait dire que le modèle de la levure a fourni autant sinon plus d’éclaircissement que tout autre système modèle. De nombreux prix Nobel ont été attribués pour des travaux réalisés dans des modèles de levure, et de nombreuses découvertes scientifiques majeures proviennent d’études menées chez la levure », affirme Mme Di Gregorio. « Dans quelques années, j’espère avoir beaucoup plus d’information sur ce que les protéines associées à la SLA font dans les cellules, sur leurs fonctions et sur la façon dont ces fonctions sont liées à la progression de la SLA », déclare Mme Di Gregorio.
Les bourses de stagiaires de la Société canadienne de la SLA appuient les chercheurs émergents de la SLA, qu’ils soient étudiants au doctorat, chercheurs postdoctoraux ou chercheurs cliniques associés. Les bourses de stagiaires encouragent les jeunes chercheurs à faire de la SLA leur champ d’intérêt et permettent d’assurer que le Canada possède une base de talents solide en matière de recherche sur la SLA, aujourd’hui et dans l’avenir.