La SLA est une maladie qui paralyse progressivement les personnes atteintes, à mesure que les motoneurones perdent leur capacité de communiquer avec les muscles du corps et finissent par mourir. Cependant, les problèmes ne sont pas seulement causés par des modifications à l’intérieur des motoneurones; l’environnement cellulaire autour des motoneurones peut en effet avoir une influence considérable sur l’évolution de la maladie.
Les cellules microgliales, qui sont les cellules immunitaires du système nerveux central, se trouvent partout dans le cerveau et la moelle épinière. Elles jouent habituellement un rôle protecteur, mais si elles sont suractivées, elles peuvent devenir toxiques pour les motoneurones. Une hypothèse pour expliquer cet effet est que la suractivation des cellules microgliales chez les personnes atteintes de la SLA pourrait accélérer l’évolution de la maladie.
Le Dr Stefano Stifani, scientifique à l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal de l’Université McGill à Montréal (Québec), étudie le développement et la fonction des motoneurones depuis plus d’une décennie. Il a récemment reçu une bourse de 124 930 $ de la Société canadienne de la SLA pour examiner les processus de communication entre les cellules microgliales et les motoneurones.
Dans le cadre de ce projet, le Dr Stifani mettra à profit deux percées scientifiques. La première est l’une des plus grandes découvertes scientifiques de la dernière décennie, soit la capacité de faire pousser pratiquement tous les types cellulaires du corps à l’aide de cellules souches induites dérivées d’échantillons cutanés ou sanguins.
Il y a un peu plus d’un an, des scientifiques ont rapporté avoir réussi pour la première fois à produire des cellules microgliales humaines à partir de cellules souches induites. « Dès que la technologie permettant de dériver des cellules microgliales à partir de cellules souches induites a été découverte, nous avons immédiatement établi une collaboration avec un des quatre pionniers à l’origine de cette découverte, soit la Dre Valentina Fossati du New York Stem Cell Foundation Research Institute », explique le Dr Stifani.
Grâce à cette collaboration scientifique, le laboratoire du Dr Stifani a élaboré des protocoles de dérivation de cellules microgliales humaines pour suppléer à son expertise existante de l’utilisation de cellules souches induites pour cultiver des motoneurones provenant de personnes atteintes de la SLA. Ces travaux sont basés sur des compétences acquises dans le cadre d’un projet distinct rendu possible par une bourse d’équipe translationnelle Arthur J. Hudson de la Société canadienne de la SLA et de la Fondation Brain Canada attribuée en 2016.
La seconde percée scientifique a trait à de petites boîtes spécialement conçues appelées chambres microfluidiques, qui permettent aux scientifiques de cultiver différents types cellulaires dans des compartiments distincts. Ces compartiments font en sorte que les types cellulaires sont séparés, mais ces derniers peuvent communiquer entre eux par de minuscules sillons, de sorte qu’il est possible d’étudier les effets de changements localisés. Le Dr Stifani cultivera des cellules microgliales et des motoneurones à partir de cellules souches induites provenant d’échantillons de peau ou de sang fournis par des personnes atteintes d’une forme héréditaire de la SLA, notamment les porteurs de mutations dans les gènes SOD1, FUS ou C9orf72.
Un des principaux avantages de l’utilisation de chambres microfluidiques est que le Dr Stifani sera en mesure de mener un éventail d’expériences en modifiant les conditions pour les cellules microgliales, les motoneurones ou ces deux types cellulaires, pour voir ce qui se passera. Il comparera également les résultats obtenus avec ceux de cellules qui ne portent pas de mutations dans les gènes associés à la SLA. Une des façons dont il prévoit altérer les processus de communication entre les types cellulaires est en modifiant l’activité du facteur nucléaire kappa B (NF-kB), une protéine connue pour son rôle dans l’amplification des processus inflammatoires dans les cellules microgliales et la promotion de la dégénérescence des motoneurones dans la SLA.
« Nous espérons pouvoir déterminer si les motoneurones humains lésés envoient des signaux aux cellules microgliales pour activer les réponses immunitaires et voir si des changements dans l’activité de NF-kB influencent cette communication », explique le Dr Stifani. « Si une activité accrue de NF-kB contribue à accélérer l’effet toxique des cellules microgliales en présence de mutations liées à la SLA, alors la réduction de cette activité pourrait s’avérer une nouvelle cible importante pour la mise au point ultérieure de médicaments. »
Conformément au mandat de l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal visant à devenir le premier institut de science ouverte du monde, le Dr Stifani prévoit partager des renseignements, des cultures cellulaires et des données expérimentales avec d’autres chercheurs intéressés de la communauté internationale de recherche sur la SLA.
Si le Dr Stifani réussit à découvrir les mécanismes de communication entre les cellules microgliales et les motoneurones humains et à trouver un moyen de modifier ce processus pendant l’évolution pathologique de la SLA, il prévoit que de sociétés pharmaceutiques pourraient se montrer très intéressées à utiliser les systèmes de co-culture de motoneurones et de cellules microgliales dérivés de patients atteints de la SLA dans le cadre de programmes futurs de découverte de médicaments.